Comment ont voté les Berlinois
6 July 2009

Berlin, capitale mondiale de l’athéisme moderne ? Il ne s’agit pas seulement d’une définition désormais historique donnée par le sociologue américain Peter L. Berger. Berlin, ville où environ 65% des habitants affirment ne pratiquer aucune religion, a dit ‘non’ au referendum du 27 Avril dernier. Baptisé ‘Pro Reli’ par ses partisans, ce referendum proposait d’introduire, dans les classes berlinoises des enfants entre 12 et 16 ans, un cours de religion obligatoire comme dans les autres villes d’Allemagne. Mais la ville au statut spécial, Berlin n’a pas démenti son aura de ville athée. Le résultat final est une défaite pour le parti d’Angela Merkel (CDU) et pour les églises catholique et protestante, qui ont fait campagne en faveur du referendum. Après un score étriqué de 14,1% des votes en faveur (qui n’a pas permis d’atteindre le quorum), le comité ‘Pro Ethik’, et son héros laïc le socio-démocrate Klaus Wowereit (SPD), ont émis un soupir de soulagement. Berlin n’aura pas ses classes obligatoires de religion.

La bataille n’a pas seulement été ‘frontale’ entre les deux coalitions mais transversale car dans la mêlée politico-religieuse se sont retrouvés croyants, athées, habitants de l’ex Berlin Ouest et habitants de l’ex Berlin Est. Le risque d’une fracture au sein de la société berlinoise a été tout de même écarté. Le peu d’électeurs qui se sont rendus aux urnes a clairement dit non. L’idée des partisans du referendum ‘Pro Reli’ était de fournir aux étudiants berlinois issus de familles religieuses la possibilité d’avoir une alternative au cours d’éthique obligatoire introduit en 2006. Mais la campagne massive n’a pas donné ses fruits. Ceux qui ont voté ‘oui’ étaient beaucoup moins que les 612.000 nécessaires pour faire passer la proposition dans les écoles. En réalité les ‘Pro Reli’ s’attendaient à un sursaut religieux surtout de la part des habitants de l’ex Berlin Est (et ex capitale de la RDA). Après des décennies d’athéisme radical, on espérait voir en Allemagne le même scénario qu’en Russie après la chute de l’Union Soviétique : un boom de consensus et de crédit pour l’Eglise. Mais la situation en Russie était très différente. Malgré les persécutions et un athéisme matérialiste présent dans les plus hautes sphères du pouvoir, l’Eglise Orthodoxe a toujours su garder son rôle au sein de la société russe, peu industrialisée. En Allemagne, depuis la réunification, les allemands de l’Est n’ont jamais manifesté de la sympathie pour les églises (catholique ou protestante) et sont toujours restés froids, voir méfiants, vis-à-vis des tentatives de conversion de l’Est allemand.

Pour essayer de remporter sa cause, l’instigateur du referendum ‘Pro Reli’ Christoph Lehmann (ex CDU impliqué dans un scandale financier) a baptisé le jour du referendum ‘Jour de la liberté’ et enrôlé des poids lourds comme la chancelière Angela Merkel, le ministre des affaires étrangères Frank-Walter Steinmer et le très populaire présentateur télé Günther Jauch. Cela n’a pas suffi. Berlin et l’autre ville-état de la résistance laïque Brème, resteront les seules deux villes d’Allemagne où les classes de religion ne sont pas obligatoires. Car, il faut le rappeler, en Allemagne il n’y a pas de véritable séparation entre l’Eglise et l’Etat et dans les autres villes d’Allemagne le cours de religion obligatoire figure dans les programmes d’école. Mais quelque chose a changé depuis 2006. Après le délit d’honneur d’une jeune femme turque (jugée par son frère trop ‘occidentalisée), l’Allemagne, sous le choc, a introduit d’office la matière ‘Ethik’ (éthique séculaire) dans les programmes scolaires. L’épisode de la jeune femme turque rappelle un épisode analogue en Italie où Hina, une jeune femme pakistanaise mariée à un homme italien, avait été d’abord reniée par sa famille puis assassinée à coups de hache par son père et son oncle. Ces épisodes dramatiques nous rappellent l’importance d’introduire des classes d’éthique ou d’éducation civique afin de permettre un débat ouvert sur des questions centrales comme les valeurs universelles de la vie humaine, les valeurs constitutionnelles, la tolérance et la solidarité. En Allemagne les classes d’éthique se sont vite transformées en plateformes de discussion sur les religions et en un ballon d’essai de l’intégration entre étudiants chrétiens et musulmans.

Malgré le soutien de la communauté juive et de certaines associations musulmanes d’Allemagne, il était clair qu’une des limites du referendum ‘Pro Reli’ était d’avoir été conçu sur la base d’une agenda exclusivement chrétien. Et cela a contribué à son échec. Mais la raison principale de son échec peut être à chercher dans l’indifférence atavique des Berlinois qui, après tant de guerres et de lacérations, ont préféré discuter de religion plutôt que passer à l’acte (religieux). Discuter pendant des mois de religion, en tout cas, n’est pas peu pour une ville connue pour son proverbial athéisme. Aujourd’hui les défenseurs du laïcisme, les intellectuels et, en général tous ceux qui poussent à la sauvegarde d’une école républicaine et laïque peuvent exclamer, comme JFK en 1963 : « Ich Bin Ein Berliner ».

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